WE compagnie – c’est là que Vilma travaille ensemble. WE cie croit que le mouvement a le potentiel de parler du monde ou de construire des moyens temporaires d’être autrement. Elle considère la création comme une proposition sociale radicale, un camouflage pour faire des choses subversives et illicites, comme ne pas participer aux certains systèmes – économique, hiérarchique, patriarcale. Basée sur les idées de travail collectif, We cie est créé à l’intérieur des couloirs du Théâtre National de Strasbourg, où Vilma Pitrinaite étudie la mise en scène et Thomas Pondevie – dramaturgie. En formant ce tandem singulier ils se questionnent sur les logiques corporelles et narratives inhérentes au monde de la danse et du théâtre et commencent à chercher ensemble des formes de représentation qui jouent à la frontière des genres.
Thomas: Dans «En chaque homme il y en a deux qui dansent», une longue première partie dansée imposait un certain état physique, une fatigue, un élan du corps à travers la danse qui modifiaient sensiblement l’entrée dans la deuxième partie, axée autour de la pièce d’Ivan Viripaev, «Oxygène». L’interprétation devenait sensiblement plus simple et plus concrète, moins forcée, comme si le théâtre et tous les codes d’interprétation s’effaçaient. Les mouvements poursuivaient leur chemin dans le corps des acteurs, aux côtés du texte, dessinant de nouveaux axes dramaturgiques. Le spectacle inversait les compétences, proposant aux acteurs une chorégraphie complexe et à Vilma (interprète dans le spectacle) une partition textuelle non négligeable. De son côté, dans un solo «Miss Lituanie», quand Vilma a composé un discours pour son personnage (questionnement sur la Lituanie, l’Europe, le populisme et le divertissement), je suis venue travailler avec elle pour comprendre comment associer, combiner, joindre et structurer le texte et les parties chorégraphiées. Nous avons ainsi commencé à manipuler des outils pour inventer des dispositifs narratifs qui intègrent à part entière le mouvement. Cette recherche prenait corps dans une envie de nous confronter également à certains codes et stéréotypes en circulation aujourd’hui, que les formes dites commerciales de spectacles ont parfaitement intégré et dont nous sommes les spectateurs quotidiens. Nous sommes convaincus qu’il faut, plutôt que d’opposer ce qui serait vraiment de l’art et ce qui appartiendrait au monde du pur divertissement, utiliser au contraire, user et ré-exploiter les codes culturels dominants pour essayer d’en faire la critique. Les détours par le concours Miss Monde, l’imitation de modes de présentation qui appartiennent au monde de la télévision et du show (un certain volontarisme et une connivence racoleuse, une énergie outrancière), le pastiche de certaines formes vulgaires et cheap sont des outils précieux… et autant de symptômes de l’état de notre société.
En 2020 WE compagnie ne renonce pas à son ambition d’être un collectif dont les danseurs sont à la fois chorégraphes et interprètes. L’auteur de la musique peut influencer la dramaturgie et le dramaturge peut également créer les costumes ou le vidéo. Nous continuons d’adopter l’interdisciplinarité, la transdisciplinarité et l’approche basée sur la recherche. Les deux récents projets de WE cie – «Somaholidays» et «MATCH»/ «MATCH 2» – sont conceptuels, radicaux et offrent un matériel chorégraphique inattendu. «Somaholidays» s’inspirent des formes chorégraphiques et des rituels des boîtes de nuit, tandis que «MATCH»/ «MATCH 2» explore la concurrence.